Loeil de Dieu In Anonyme, Catéchisme en Image, Paris, Maison de la bonne presse, 1932. L'oeil de Dieu In Anonyme, Catéchisme en Image, Paris, Maison de la bonne presse, 1932. Cote. 2008-09-198. Couleur. Non. Support. Cd-Rom. Descripteurs. Icône, table des lois, angelot, chérubin, introduction, chiffres romains. Les éditions du Septentrion 86, côte de la Montagne, bureau Inscrire son enfant au catéchisme, c’est lui permettre de rencontrer Jésus et de découvrir qu’il est aimé de Dieu. Vous vous posez des questions sur le caté ? Voici un espace dédié aux parents qui souhaitent en savoir plus avant d’inscrire leur enfant au catéchisme. Que fait-on au catéchisme ? Au catéchisme, les enfants "apprennent" à devenir croyants. La foi n'est bien sûr pas un savoir théorique que l'on évalue comme à l'école ! C'est une façon de vivre avec Jésus-Christ. Les enfants s'ouvrent à une relation à Dieu[...] Pourquoi inscrire mon enfant au catéchisme ? Le catéchisme est proposé aux enfants de 7 à 12 ans. C'est une démarche qui construit l'Homme, qui initie à la vie avec Jésus-Christ, qui aide à découvrir Dieu et à l'aimer. Inscrire son enfant au catéchisme, c'est[...] A quel âge aller au catéchisme ? Le catéchisme s'adresse aux enfants qui sont scolarisés à l'école primaire. Il commence, selon les paroisses, au niveau de la classe du CE1 ou du CE2. La première année se fait en lien étroit avec les parents. Même si[...] Quand et comment inscrire mon enfant au catéchisme ? Pour inscrire son enfant au catéchisme, il suffit de s'adresser à la paroisse à laquelle est rattaché son domicile. Une personne chargée des inscriptions pour la paroisse donnera tous les renseignements pratiques concernant l'inscription de l'enfant, et la manière[...] à la uneça peut également vous intéresser Vivre sa foi en famille Les mille et une questions de nos enfants sont aussi bien souvent des questions d’adultes. Des questions humaines existentielles qui se mêlent à des questions de foi ! Le contenu de cet espace inspiré du livre [...] Lexemple des « catéchismes en images » qui proposent en une suite de tableaux une traduction visuelle de l’“abrégé de la doctrine chrétienne” permet de s’interroger à travers un corpus spécifique bien distinct, par son iconographie comme par ses usages, de l’imagerie de piété, sur une modalité de l’appel aux sens dans l’enseignement religieux.Ces productions La célébrité de la planche illustrant le troisième commandement dans le Grand catéchisme en images de la Maison de la Bonne Presse, paru vers 1889, n’est plus à établir. Qu’elle se retrouve aujourd’hui jusque dans les manuels scolaires du secondaire en dit bien assez sur sa diffusion – encore qu’il serait possible de s’interroger sur la place et la fonction qui lui sont attribuées dans le contexte pédagogique. A ce titre, elle peut être considérée comme exemplaire d’un discours catholique français sur la sanctification du dimanche et, plus profondément, de l’enjeu que ce thème a représenté au XIXe siècle. Une planche de catéchisme Commençons par revenir sur cette planche en une analyse rapide. Deux registres s’opposent, le supérieur, avec une église, un monde agreste, aux tons verts et pastels, et l’inférieur, avec une petite ville ou un village comprenant à gauche des boutiques et à droite une fabrique, rouge et noir y dominant. La route qui monte en serpentant unit les deux registres, tout autant que les personnages qui y marchent et que l’église répondant à la fabrique. Une nouvelle opposition peut aussi être dressée entre les personnages passifs ou demeurant sur place les consommateurs et propriétaires des boutiques, les ouvriers de la fabrique et ceux qui montent vers l’église. Le rapport au corps peut ici être discriminant repos à dimension ludique ou licencieuse des hommes attablés au cabaret, travail démembrant et usant de la fabrique, contre la paisible marche, l’effort régulier adapté aux forces des enfants, des adultes et des vieillards, des paysans, des ouvriers et des soldats – de toute la société. Une troisième distinction surgit entre les enfants et les adultes dans le registre du bas, des adultes isolés ou dominant et exploitant des enfants sans faire eux-mêmes d’efforts, dans le registre supérieur et sur la route, des adultes et des enfants associés harmonieusement, les premiers protégeant les seconds. On ne reviendra pas ici sur les sources sous-jacentes de cette planche imagerie populaire, opposition de la voie étroite à la voie large, et de la cité céleste à l’enfer, reprise de l’ascension physique comme métaphore de l’ascension spirituelle renvoyant tant à la Montée du Carmel qu’à l’échelle céleste. On évacuera rapidement les lectures erronées. L’opposition entre un registre rural où se trouve un château antique en ruine, et un registre urbain ne signifie pas qu’il y ait un choix à faire entre une société moderne, libérale et industrielle, et une société d’Ancien Régime, ni que s’opère une discrimination socio-politique favorable à une réaction, aristocratique ou nobiliaire. Ce serait oublier les caractéristiques de l’industrialisation française au moins jusqu’au milieu du Second Empire une industrialisation en partie rurale, avec l’implantation d’activités notamment métallurgiques dans les petits bourgs et villages, en utilisant et le charbon et de bois et l’énergie hydraulique. La planche renvoie bien à une réalité sociologique, certes en cours d’atténuation, mais encore présente lors de la publication. Même l’organicité du village postulée par le tableau, qui représente dans un même espace, malgré leur distinction nette, l’église et l’usine, converge avec l’expérience vécue d’une communauté villageoise encore puissante. On oubliera aussi la condamnation du monde industriel qui pourrait être évoquée par la diabolisation iconographique de l’usine. L’observation précise de la fabrique laisse comprendre que, plus que le monde industriel, c’est le fait même de travailler le dimanche qui est vitupéré. Les personnages en blouse ou veste avec leurs enfants, qui s’adressent aux jeunes ouvriers de l’usine, en tendant le bras vers l’église, les appellent à la messe, non à abandonner le travail de la forge pour le travail agricole. Les mouvements s’opposent clairement des corps et des bras tendus vers la route sinueuse de l’ascension vers Dieu, d’un côté, des corps orientés vers la droite de l’autre, soumis au poids des barres de métal, courbés sous le bras menaçant du contremaître. En revanche, on abondera dans le sens de toutes les interprétations insistant sur l’hostilité du catholicisme intransigeant du XIXe siècle, dont les Assomptionnistes de la Bonne Presse sont parmi les meilleurs représentants, au monde libéral des bourgeois installés et animés d’une insatiable cupidité, qui les pousse à maximiser le profit en exploitant la force de travail d’ouvriers peu payés, peu protégés, très surveillés, largement sanctionnés, hommes, femmes, enfants finalement empêchés de se livrer à leurs devoirs religieux. Le jugement est finalement moral, bien plus que social. Il permet de comprendre l’association dans la planche de vices apparentés les travailleurs de l’usine et les buveurs du cabaret, qui, tous, profanent le dimanche. La soif du profit d’un côté, le divertissement avilissant de l’autre, deux formes de résistance à la catholicisation de la société, à sa structuration organique selon les commandements de Dieu et de l’Église. Le discours est donc aussi social, tant il est vrai qu’aucune religion ne peut être force sociale si elle n’est aussi présente dans les processus sociaux. Se comprend alors mieux l’enseigne du cabaret, dans le registre inférieur c’est l’hôtel des Francs-Maçons. Car des forces hostiles sont à l’œuvre, plus ou moins inspirées par Satan, pour saper les bases de la société chrétienne et détruire les traces demeurant de l’enracinement chrétien de la France et les mécanismes garantissant la perpétuation de l’alliance entre Dieu et la Fille aînée de l’Église. Bref, la planche revient ainsi, par le biais d’un discours précisément situé dans le temps, à sa logique spirituelle primordiale il faut servir Dieu et rejeter Satan, il faut, en pratiquant le dimanche, s’inscrire dans le combat spirituel qui, inlassablement, empoigne chacun et toute la société. L’obsession de la sanctification dominicale Il n’y a ici que peu d’originalité de la part de la Bonne Presse. Le Grand catéchisme en images se trouve parfaitement en phase avec un catholicisme français qui s’est, parmi d’autres sujets de mobilisation, focalisé tout au long du XIXe siècle sur le respect du dimanche. Plusieurs éléments peuvent ici être rappelés pour souligner l’intensité de la militance catholique destinée à obtenir le respect du repos dominical. La question n’est pas d’abord industrielle elle est premièrement rurale, agricole, paysanne. La Sainte Vierge ne s’y est pas trompée, lorsqu’elle apparut à La Salette en 1846 Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième et on ne veut pas me l’accorder. […] L’été, il ne va que quelques femmes un peu âgées à la Messe. Les autres travaillent le dimanche tout l’été et l’hiver, quand ils ne savent que faire, ils ne vont à la messe que pour se moquer de la religion. » Le respect paysan du dimanche est un des grands sujets de l’apparition, et il le demeure presque trente ans plus tard lorsque, en 1873, la Vierge apparaît à Auguste Arnaud, vigneron de Saint-Bauzille de la Sylve diocèse de Montpellier Il ne faut pas travailler le dimanche. » Dans les deux cas, un sanctuaire en surgira. L’industrialisation donne un nouvel écho à la thématique, dès les années 1830, tout au long du Second Empire, jusqu’après le vote de la loi sur le repos hebdomadaire en 1906. Le catalogue de la Bibliothèque nationale de France recense ainsi plus de 80 instructions ou lettres pastorales ou mandements de carême épiscopaux prenant comme thème principal la sanctification du dimanche, entre 1836 Albi et 1914 Nantes. Certains diocèses y reviennent à plusieurs reprises Mende en 1837, 1851 et 1856, Belley en 1855, 1873 et 1892, Paris en 1887 et 1896, Meaux en 1895 et 1904, Arras en 1854, 1876, Verdun en 1838 et 1877. On le devine cependant à l’énumération, l’industrialisation n’est pas la seule en cause. La diffusion ou la permanence du travail agricole rural laisse deviner que les évêques luttent non seulement pour le respect d’un commandement divin, mais aussi pour empêcher que la société ne se structure de plus en plus en dehors du cadre chrétien. Le développement des mandements après 1830 correspond d’ailleurs clairement au changement politique de la Monarchie de Juillet le roi bourgeois et ses agents administratifs cessent plus ou moins de faire appliquer la loi de 1814 imposant aux commerçants et artisans le chômage public du dimanche et des jours fériés et la fermeture des cabarets pendant les offices religieux…, qui avait été plus ou moins l’objet de l’attention préfectorale sous la Restauration. Les évêques ne sont d’ailleurs pas seuls à agir en faveur du repos dominical. La propagande catholique contre le travail du dimanche se fait intense à partir de la seconde moitié du siècle. Mgr Jean-Joseph Gaume, abondant littérateur et figure intellectuelle du milieu intransigeant des années 1840-1880, donne ainsi en 1850 La Profanation du dimanche considérée au point de vue de la religion, de la société, de la famille, de la liberté, du bien-être, de la dignité humaine et de la santé. Il réédite l’ouvrage en 1870, et l’insère également en 1878 dans Le Bénédicité au XIXe siècle ou la religion dans la famille. Mais il n’est pas seul dans son combat Dialogues sur la sanctification du dimanche, sur le blasphème et sur l’usure par l’abbé Georges Brédart en 1824, Repos et sanctification du dimanche par l’abbé Beuret en 1856 publication du mémoire adressée à l’Assemblée nationale en 1850, Le Jour de Dieu. Réflexions et anecdotes sur la sanctification du dimanche de l’abbé Augustin Albouy en 1859, périodique Le Repos [et la sanctification] du dimanche de 1890 à 1914, La sanctification du dimanche d’un missionnaire apostolique en 1893. Et l’on ne compte pas ici les multiples articles de périodiques et les brochures populaires, comme La Croisade du dimanche 1889 ou la Nécessité sociale du dimanche 1894 de Fénelon Gibon. Des associations catholiques se font également jour pour mener ce combat Association pour la réparation des blasphèmes et pour la sanctification du dimanche Saint-Nizier, 1847, Œuvre du repos des dimanches et fêtes Paris, 1853, Association pour la sanctification du dimanche Saint-Brieuc, 1855, Association de prières pour la réparation des blasphèmes et la sanctification du dimanche paroisse Saint-Vincent-de-Paul du Havre, 1860, Association pour la sanctification du dimanche Trévoux, 1874, Œuvre de la sanctification du dimanche 1874, Œuvre dominicale de France – Association pour la sanctification du dimanche aussi appelée Œuvre du repos et de la sanctification du dimanche, Lyon, 1873, Association pour l’observation du dimanche dans l’industrie du bâtiment Paris, 1886, Ligue populaire pour le repos du dimanche en France Nord, Ligue des hommes pour la sanctification du dimanche avec sa revue, en 1906. Si un lobbying se met ainsi en place à la fin de la Monarchie de Juillet, il échoue à faire voter une loi, même si la Deuxième République, suivie en cela par le Second Empire, édicte des mesures administratives pour supprimer les travaux publics le dimanche. Cette pression catholique se renforce au début de la Troisième République, monarchiste et partiellement catholicisée. Mais la proposition de loi du député catholique Chaurand en 1873 n’aboutit pas, car elle est trop directement antilibérale au plan économique. Est cependant votée en 1874 l’interdiction dans l’industrie du travail des femmes de moins de 21 ans et des enfants de moins de 16 ans. Mais la République républicanisée abolit en 1880 la loi de 1814, suscitant un accroissement de la mobilisation catholique, alors que les partis socialistes connaissent une croissance de leur influence, et que les syndicats font du repos hebdomadaire un élément important de leur action. Les démocrates chrétiens font du repos dominical la base de toute législation sociale, comme l’abbé Lemire l’explique clairement en 1897 au Congrès catholique du Nord. Les congrès catholiques, qu’ils soient tenus à Paris ou dans le Nord, consacrent systématiquement une étude au respect du dimanche. Les comités catholiques locaux notamment à Lyon poussent leurs adhérents à favoriser les magasins fermant le dimanche – car le travail dominical est massif dans le secteur tertiaire, plus encore que dans l’industrie –, à refuser ce jour les livraisons faites par les gares, et à user de leurs éventuels pouvoirs d’actionnaires notamment des compagnies de chemin de fer pour imposer le chômage dominical aux employés. On comprend mieux dans ce cadre de républicanisation anticléricale et de montée du socialisme ainsi que de revendication syndicale la dimension apocalyptique que peut prendre la mobilisation catholique, jusque dans les catéchismes. On comprend aussi mieux combien les évêques peuvent jeter leur poids dans la balance pour catholiciser le dimanche, même dans les régions de chrétienté. Ainsi, dans le diocèse de Cambrai, en 1882, Mgr Duquesnay visite la paroisse d’Estaires Mgr, en retournant du collège où il avait donné la confirmation, avait remarqué le marché de légumes, qui est permis tous les dimanches jusqu’à neuf heures. Dans une population réputée aussi catholique, un marché, le dimanche ! Mais c’est un crime impardonnable et sa Grandeur, prenant son texte de l’évangile du jour, nous dit à la Grand-Messe Non potestis Deo servire et Mammoni. Je fus chargé de refuser l’absolution aux acheteurs et aux vendeurs. » [1] La vigueur de la sanction, alors que le ligorisme [2] s’est largement implanté dans un clergé français désormais militant, à la spiritualité italianisée, et promouvant un Dieu d’amour miséricordieux, dit bien l’importance de l’enjeu pour l’évêque. Il est spirituel, et il faut trancher clairement entre Dieu et Mammon. Mais ce souci de trancher dans le vif, qui diffère de la stratégie suivie par d’autres catholiques, moins favorables à une intervention étatique et que l’on retrouve dans les milieux inspirés par Frédéric Le Play, ne débouche sur rien, si ce n’est ouvrir un espace de débat et de légitimité à la revendication législative des syndicats et des groupes et partis socialistes. C’est cette mobilisation politique qui permet, en 1906, après que la séparation des Églises et de l’État a été consommée, et sans doute parce qu’elle a été enfin consommée, le vote d’une loi libérale sur le repos hebdomadaire, sans aucune connotation religieuse. Faut-il faire un rapprochement entre ce qui fut et ce qui est désormais notre lot, dans une France du travailler plus pour gagner plus » ? On relèvera seulement quelques points. D’abord, que les catholiques ne sauraient, s’ils veulent obtenir que l’État établisse une législation qui puisse à sa manière consoner avec les commandements de Dieu, oublier qu’ils sont une minorité, et qu’un minorité n’est efficace que si elle agit comme telle par le lobbying organisé qui sait argumenter et agir. Ensuite, que cette action ne peut oublier la désolante réalité le repos hebdomadaire demeure un acquis social, dont le bénéficiaire n’est pas forcément libre de décider le jour où il en profitera mais que, en tout cas, il investira de significations qui lui absolument propres et dont il n’est pas sûr qu’elles convergent avec celles de ses concitoyens, ni avec le salut dont on pense qu’il a absolument besoin. Enfin, que, in fine, l’enjeu est bien proprement spirituel rendre à Dieu ce qui lui est dû, apprendre et pratiquer la dépossession de son temps, de son travail, de sa personne, en associant le respect du sabbat et le culte dominical, dans un double impératif spirituel à dimension eschatologique le repos en Dieu sera le propre du temps d’après la parousie, mais il est déjà goûté ici-bas. Cette dimension indispensable ne mérite-t-elle pas d’être avancée, par delà tous les arguments sociaux, anthropologiques, familiaux, économiques, utilisées depuis le début du XIXe siècle, pour converger avec ceux qui ne sont pas chrétiens, si nous voulons un jour réussir à renverser la situation ? Le troisième commandement Bibliographie publiée sur le sujet Pour l’histoire du repos hebdomadaire, Robert Beck, Une histoire du dimanche de 1700 à nos jours, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997. Pour le cas du catholicisme, Histoire Économie et Société, 2009, n° 3, Combats autour du repos hebdomadaire 19e-20e siècles » – Séverine Blenner-Michel, Sanctifier le dimanche ou le vain combat de l’épiscopat français au XIXe siècle » – Mathieu Bréjon de Lavergnée, Le repos du dimanche un exemple de lobbying catholique en France au milieu du XIXe siècle » – Bruno Béthouart, Les syndicats chrétiens et le repos du dimanche 1887-1964 » – Isabelle Saint-Martin, La sanctification du dimanche un combat par l’image ». On ajoutera Daniel Moulinet, Laïcat catholique et société française. Les Comités catholiques 1870-1905, Paris, Les Éditions du Cerf, coll. Histoire religieuse de la France, 2008, pp. 113-115, 356-358, Dictionnaire des personnes citées » et Dictionnaire des œuvres citées » Annexes sur CD-Rom. Sur le Grand catéchisme en images de la Bonne Presse, et la planche n° 33 Isabelle Saint-Martin, Voir, savoir, croire. Catéchismes et pédagogie par l’image au XIXe siècle, préface de Ségolène Le Men, Paris, Honoré Champion, coll. Histoire culturelle de l’Europe, n° 5, 2000, pp. 119-173, 510-517 et planche hors-texte Airiau, marié, huit enfants, né en 1971. Diplômé de l’IEP de Paris, agrégé et docteur en histoire, enseignant dans un établissement public ZEP de l’Académie de Paris. Maintenantdisponible sur Couverture souple - MAISON DE LA PRESSE - 1908 - Etat du livre : bon - RO80136675: 1908. In-Folio. Broché. Etat passable, Couv. défraîchie, Dos abîmé, OPINION DE LA PRESSE SUR TROIS CONTES Les Trois Contes parurent le 24 avril 1877 ; peu après les manifestations du 16 mai accaparaient la presse. Flaubert s’en émut Cet idiot de Mac-Mahon nuit beaucoup au débit des Trois Contes… J’ai fait dire, selon ma coutume, beaucoup de bêtises, car j’ai le don d’ahurir la critique. Elle a presque passé sous silence Hérodias ; quelques-uns même, comme Sarcey, ont eu la bonne foi de déclarer que c’était trop fort pour eux. Un monsieur dans l’Union, trouve que Félicité c’est Germinie Lacerteux aux pays du cidre. Ingénieux rapprochement. » Lettre à Mme Roger des Genettes. Correspond., t. IV. Nous donnons quelques extraits des principaux articles consacrés aux Trois Contes La Liberté, 23 mai 1877 Drumont. … Ces trois nouvelles s’appellent Un Cœur simple ; La Légende de Saint Julien l’Hospitalier ; Hérodias. — Et je suis fort embarrassé, je l’avoue, de vous expliquer en quoi ce sont des merveilles, de vous communiquer l’impression d’admiration que tous les lettrés ressentiront devant ces trois médailles si magnifiquement frappées, d’un fini si minutieux et, en même temps, d’une exécution si large, d’un dessin si élégant et si ferme à la fois. Les gens pressés qui dévorent un volume en une heure, en oubliant parfois de couper quelques feuillets, ne découvriront là rien de remarquable ; mais il se produit dans la presse ce qui se produit pour ceux qui, sans fabriquer des joyaux, ont l’habitude d’en voir et d’en manier ; ils reconnaissent immédiatement ce qui est véritablement beau ; les artisans en ce métier ont des éclairs de joie devant les créations des artistes… En ce volume, l’auteur transporte dans des régions absolument dissemblables cette puissance native de reconstituer la vie d’un être disparu, que cet être soit une reine, une servante, un cénobite. Il excelle, comme les réalistes, à rendre éloquents les moindres objets, le paysage, le temps ; mais parmi tous ces accessoires qui ont une indiscutable importance, il met quelqu’un qui se meut dans cette atmosphère, une créature animée à laquelle se rapportent tous ces témoins inanimés. Il est encore une fois presque impossible de donner l’idée de la valeur littéraire de ces Trois Contes. On n’y trouve point à louer un détail particulier, bien au contraire ; l’auteur s’est gardé soigneusement contre tout ce qui pouvait étonner, c’est-à-dire détonner ; et c’est à supprimer, très certainement, qu’il a le plus travaillé, afin que tout se fondît dans un ensemble harmonieux. Il faut s’arrêter longuement devant son œuvre, comme on s’arrête devant quelque toile de maître, pour bien comprendre par quelles gradations de nuances insensibles, l’effet parvient à cette intensité. Prenez, par exemple, Un Cœur simple ». C’est l’histoire d’un être qui n’a point d’histoire, d’une servante de province qui est entrée à seize ans dans la maison d’une honnête bourgeoise, qu’elle n’a quittée que pour le cimetière. Les enfants qu’elle voit naître, qu’elle soigne, qu’elle pleure morts, un perroquet auquel elle s’attache, et c’est tout. Soixante années pendant lesquelles deux ou trois trônes se sont écroulés, ont passé sur cette douce créature sans l’agiter davantage que quelque tempête effroyable ne trouble le polype en sa tranquillité profonde. Confiez un tel sujet à beaucoup, même parmi ceux qui savent tenir une plume, et je crois qu’ils n’y verront pas grand-chose. Celui qui a peint si superbement les ardeurs de la passion dans Madame Bovary, s’est surpassé lui-même dans ce tour de force d’attendrir les plus raffinés sur cette existence en quelque sorte rudimentaire. Cet esprit supérieur s’est assimilé les pensées de cette humble campagnarde, il a réfléchi longuement les sensations que les spectacles les plus insignifiants devaient lui procurer. Il n’a pas indiqué une idée qui dépasse cette cervelle bornée… Ce conte nous intéresse prodigieusement, en nous présentant une ménagère coiffée d’un bonnet et tenant un trousseau de clefs. Hérodias est un tour de force dans le sens opposé. Le monde entier est rassemblé dans cette salle de banquet, où une Salomé plus implacable que celle de Regnault et plus fascinante que celle de Gustave Moreau, vient demander la tête de Jean. Voici Rome avec le proconsul Vitellius qui se gorge de viandes, avec Aulus, l’éphèbe cher au Tibère de Caprée, qui vomit entre une terrine de Comagène et un plat de merles roses ; voici Jérusalem avec le Tétrarque, les Sadducéens, les Pharisiens, les luttes religieuses, les formules hiératiques. Au fond de la citerne, Iaokanann crie ses anathèmes. Une page d’histoire se déroule ainsi devant le lecteur, étourdissante de mouvement, admirablement restituée jusqu’au moindre détail, instructive, terrible, émouvante. Dans cette composition magnifique tout à sa place, sa signification, son importance ; il n’est pas un coup de pinceau qui ne concoure à l’ensemble, qui ne jette une note utile dans le concert. Tout parle dans cet œuvre, ou d’innombrables personnages s’agitent sans confusion ; tout à son rôle, depuis l’umbo du bouclier qui porte l’image de César, jusqu’aux petites pantoufles en duvet de colibri qu’a chaussées la fille d’Hérodias pour danser. En vingt-quatre heures l’univers a défilé devant nous, depuis le moment où Vitellius arrive dans sa grande litière rouge ornée de panaches et de miroirs, jusqu’au moment où, à la lumière vacillante des flambeaux qui s’éteignent dans la salle du festin, Antipas, resté seul, contemple fixement la tête coupée, tandis que des messagers courent vers la Galilée annoncer que les prophéties sont accomplies. Ne supposez point que l’auteur ait cédé à la tentation puérile de décrire, qu’il ait voulu s’abandonner à quelques-unes de ces débauches de couleur auxquelles on se livrait volontiers aux premiers temps du romantisme. C’est l’originalité de ce tableau incomparable, qu’il serait impossible d’y ajouter ou d’y retrancher une phrase ou une épithète sans en détruire l’équilibre. Un tempérament qui s’est dompté lui-même, une imagination qui a appris à se dominer, une langue d’une richesse inouïe, mais aussi d’une simplicité magistrale, tels sont les caractères de ce volume à propos duquel on peut hardiment prononcer le mot de perfection. Le National, 14 mai 1877 De Banville. L’illustre auteur de Salammbô et de La Tentation de Saint Antoine, M. Gustave Flaubert, vient de publier un livre intitulé simplement Trois Contes, mais ces contes sont trois chefs-d’œuvre absolus et parfaits créés avec la puissance d’un poète sur de son art, et dont il ne faut parler qu’avec la respectueuse admiration due au génie. J’ai dit un poète, et ce mot doit être pris dans son sens rigoureux ; car le grand écrivain dont je parle ici a su conquérir une forme essentielle et définitive, où chaque phrase, chaque mot ont leur raison d’être nécessaire et fatale, et à laquelle il est impossible de rien changer, non plus, que dans une ode d’Horace ou dans une fable de La Fontaine. Il possède au plus haut degré l’intuition qui nous révèle les choses que nul n’a vues et entendues ; mais en même temps il à tout étudié, il sait tout, ayant ainsi doublé l’inventeur qui est en lui d’un ouvrier impeccable ; aussi trouve-t-il toujours le mot juste, propre, décisif ; et peut-il tout peindre même les époques et les figures les plus idéales, sans employer jamais le secours d’un verbe inutile ou d’un adjectif parasite. C’est là le dernier mot de l’art et il serait difficile de comprendre comment le pays qui eut le bonheur de produire un tel artiste ne lui décerne pas les plus grands honneurs, si nous ne savions depuis longtemps que telle action n’est pas faite, par l’unique raison qu’elle devait être faite. Il serait puéril de dire que l’auteur de Madame Bovary devrait être à l’Académie ; mais ce qu’on peut affirmer avec raison, c’est que l’Académie devrait être à l’auteur de Madame Bovary. S’il est vrai que dans un élan spontané de justice elle soit allée au-devant d’un de ses membres les plus célèbres, récemment élu, ne devrait-elle pas aller en corps chercher M. Gustave Flaubert, et étendre sous ses pas un tapis de pourpre ? Mais ce sont là ses affaires et non les miennes ; pour moi je me contente de faire comme tout le monde, d’admirer passionnément Un Cœur simple, La Légende de Saint Julien l’Hospitalier et Hérodias, et de remercier avec la reconnaissance la plus émue et la plus fière, l’homme qui m’a donné une telle joie. Je le sais bien, il est difficile de s’habituer à cette idée que ces grands créateurs sont nos contemporains, qu’on les touche, qu’on leur parle et qu’il faut s’incliner devant leur pensée souveraine, sans avoir la satisfaction de les savoir morts et solidement cloués sous la lame ; mais enfin il faut en prendre son parti, comme de beaucoup d’autres incommodités. Étonnamment variés, car ils parcourent tout le cercle des âges, les Trois Contes qui mettent en scène, l’un une pauvre servante de Pont-l’Évêque, à moitié idiote, l’autre un chasseur qui devient héros, puis saint, et fut enlevé dans le ciel, le troisième, cette Salomé qui tient dans ses mains la tête de Jean-Baptiste et que les poètes adorent à jamais, ne sont pas cependant des contes détachés ; ils sont unis au contraire par un lien étroit, qui est l’exaltation de la charité, de la bonté inconsciente et surnaturelle. La Judée, au temps de Tibère, le monde romain sont évoqués avec une impérieuse et victorieuse magie dans Hérodias ; mais ne sont-ce pas des jeux pour le poète de Salammbô ? Des tableaux éclatants d’une couleur harmonieuse comme des Delacroix, et voluptueusement douloureux, des scènes qui resteront dans la pensée éternellement, comme celle où après avoir vu sa femelle et son faon inexorablement tués par Julien, le cerf, portant encore fichée dans son front la flèche du féroce chasseur, trouve une voix humaine pour le maudire, et comme celle où, après avoir réchauffé sur son sein et sur ses lèvres le lépreux hideux, Julien le voit se transfigurer, égalent ce livre aux plus beaux et aux plus renommés d’entre les poèmes. Mais je ne puis résister au désir d’en transcrire ici quelques lignes Alors le lépreux l’étreignit ; et ses yeux tout à coup prirent une clarté d’étoiles ; ses cheveux s’allongèrent comme les rais du soleil ; le souffle de ses narines avait la douceur des roses ; un nuage d’encens s’éleva du foyer ; les flots chantaient. Cependant une abondance de délices, une joie surhumaine descendait comme une inondation dans l’âme de Julien pâmé, et celui dont les bras le serraient toujours, grandissait, grandissait, touchant de sa tête et de ses pieds les deux murs de la cabane. » Voilà une citation bien courte ; mais qu’importe, puisqu’on lira tout le livre ? Le Gaulois, 4 mai 1877 Fourcaud. … Si je me suis bien fait comprendre, on a vu trois signes caractériser l’écrivain l’exactitude logique, le sens poétique et le goût — excessif quelquefois — de l’archéologie. Et des qualités qui en dérivent, répandues sur son œuvre entier, se rencontrent ensemble et concentrées dans les Trois Contes nouveaux dont il est bruit. Qui connaît Flaubert l’y retrouve entier, et qui ne le connaît pas l’y apprend. Le premier est un petit roman de mœurs Un Cœur simple, l’histoire d’une humble servante à qui rien ne réussit. Jeune, son amoureux l’abandonne ; ses maîtres la battent et la chassent ; plus âgée, un neveu qu’elle aime comme un fils meurt loin d’elle. Elle entre chez une maîtresse dont la fille expire quand elle s’est bien attachée à cette enfant. Un perroquet qu’on lui donne meurt empoisonné. Tout pour elle se change en chagrin, jusqu’à sa mort. Les détails vivants affluent dans cette étude touchante. On y reconnaît l’auteur de Madame Bovary à de certaines touches et à l’exagération après coup de ces touches. Par exemple quand la vieille fille a perdu son perroquet, elle le fait empailler, et, chaque soir, elle ressasse devant lui ses prières. À l’église, elle a vu la colombe mystique de l’Esprit Saint se balancer au-dessus de l’autel ces deux oiseaux lui semblent avoir de vagues ressemblances. Le trait est charmant. Pourquoi M. Flaubert l’affaiblit-il en prêtant à son héroïne des raisonnements comme celui-ci Le Père n’a pu exprimer ses volontés par le moyen d’une colombe ; les colombes ne parlent pas. Il a dû se servir d’un perroquet. » Le perroquet du Saint-Esprit est d’une déduction un peu subtile. Le conte suivant La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, conçu dans la manière des légendes du moyen âge, est de tout point une admirable page. Des messagers de Dieu ont prédit au père de Julien que son fils serait un guerrier ; à sa mère, qu’il serait un grand saint. On lui donne une éducation raffinée ; mais un vieux cerf à longs poils blancs, qu’il tue à la chasse, lui brame ces mots en mourant, avec une voix humaine Maudit, tu tueras tes parents ! » En quelles circonstances mystérieuses cette prédiction terrible s’accomplit, c’est ce qui est développé dans la suite du livre. Si l’on a reconnu dans Un Cœur simple la patte et l’œil de l’observateur réaliste, l’aile et la main du poète seront trouvées ici. Dans Hérodias, au contraire, c’est surtout l’archéologie qui s’affiche. La mort de saint Jean le Précurseur y est savamment et curieusement mise en scène. Les noms orientaux n’y sont pas épargnés, saint Jean-Baptiste y est nommé Iaokanann. Je n’apprécie pas plus qu’il ne faut cette érudition qui s’attaque même aux noms. Je dois dire cependant que l’auteur y a beaucoup moins sacrifié dans ce compte qu’à l’ordinaire, et qu’il a fait effort pour être intelligible à tout le monde. Tel qu’il est, ce volume, d’une lecture sérieuse, est frappé au bon coin de M. Flaubert avec ses qualités et ses défauts. Le style en est superbe, quoique, à mon gré, trop tendu et trop ennemi des répétitions des mots, ce qui l’obscurcit maintes lois. Les grandes images saisissantes y sont prodiguées et les descriptions étincellent d’une vie singulière. Les détails y fourmillent, oiseusement souvent, et coupent court à l’intérêt. L’écrivain, très sobre dans le jeu de sa phrase, est essentiellement prolixe en fait d’explications. Il a le tort de tous les romanciers dits naturalistes, il veut trop dire et trop décrire. Il faut pourtant bien laisser quelque chose à faire à l’imagination du lecteur. La Patrie, 8 mai 1877 G. de Saint-Valry. Réalisme idéal… voilà deux mots dont la réunion a l’air d’une dispute. Rien cependant ne peut mieux rendre, à mon gré, l’impression que laisse le récent volume de M. Flaubert, cette admirable combinaison d’exactitude et de poésie, cette compréhension étonnante du vrai extérieur jointe à une pénétration exquise du sens intime et idéal des choses. Je ne suis pas tenté, on le voit, d’atténuer le plaisir que m’a procuré la lecture de ce petit volume de deux cent cinquante pages. Parmi les productions de l’imagination contemporaine, vouées pour la plupart à un prochain et légitime oubli, celle-ci survivra sur le rayon de choix ou sont rangés Salammbô, Madame Bovary, même La Tentation de Saint Antoine. Mais je ne cherche pas seulement à faire valoir l’unité et la rectitude de cette vie littéraire, je voudrais faire voir aussi comment, dans ce dernier volume, le plus, bref de tous ceux que M. Flaubert a jusqu’ici donnés au public, les idées, le talent, les procédés artistiques de l’écrivain se sont en quelque sorte condensés et résumés dans une synthèse finale. Supposez que par une série de cataclysmes, qui semblent désormais impossibles avec la diffusion illimitée des écrits modernes, l’œuvre de Flaubert disparaisse tout entière, comme il est advenu de celle de quelques écrivains de l’antiquité, et qu’il ne surnage de lui dans l’histoire littéraire des siècles à venir que son nom, quelques fragments d’articles de Sainte-Beuve et ce petit volume, ces Trois Contes. Ces trois cent cinquante pages suffiraient aux critiques futurs pour se former une idée exacte de la portion perdue. On y saisirait à merveille la méthode de ce réalisme idéal, ce don de rendre en quelques traits non seulement la réalité extérieure des personnages, mais la vie intérieure de leur âme, l’association et les contre-coups de leurs sensations. On y retrouverait également l’admirable facilité de paysagiste que possède l’auteur, cette perception de la nature vraie et sentie dont il est doué. Ce n’est pas tout, on y retrouverait encore cette puissance de reconstitution des civilisations ensevelies, cette sorte de divinisation poétique et savante qui a produit Salammbô et La Tentation de Saint Antoine, et dont La Légende de Saint Julien et Hérodias présentent l’élixir, pour ainsi parler, la cristallisation, de même que Un Cœur simple offre un résumé de l’art qui a produit Madame Bovary et L’Éducation sentimentale. Remarquez que le procédé réaliste, qui s’applique avec tant de bonheur à ces étonnants efforts d’imagination qui ont produit les restitutions poétiques de M. Flaubert, ce réalisme, quand il s’emploie à la peinture de la vie moderne, garde de sa cohabitation avec la poésie et l’imagination une saveur, une élévation de sentiment que les derniers venus de l’école — gens de grand talent pourtant — ont l’air de repousser comme une faiblesse. C’est là, je l’ai mainte fois expliqué, mon unique querelle avec eux. Sont-ils persuadés que la platitude, la vulgarité, la laideur sont les seules expressions de la réalité ? Le premier conte de M. Flaubert suffit pour démontrer l’étroitesse de cette théorie ; rien de plus profondément réaliste, si vous entendez par réalisme la peinture fidèle et minutieuse de la vie. Croyez-vous que l’étude des petits, des simples, des humbles soit la matière préférée du réalisme ? Sur ce point encore aucune objection. L’héroïne de M. Flaubert est une pauvre servante attachée et une modeste bourgeoise de Pont-l’Évêque, Mme Aubain, qu’elle sert cinquante ans. Nul incident extraordinaire, aucun événement dramatique dans cette existence uniforme et effacée ; la maîtresse et la servante traversent le monde sans y faire aucun bruit, sans avoir jamais dépassé, même en pensée, le cercle extraordinairement borné des habitudes de la petite ville somnolente ; les années suivent les années, apportant aux deux femmes l’inévitable contingent des chagrins terrestres ; mais les chagrins eux-mêmes sont ordinaires et sans éclat. La vie poursuit son cours monotone, Mme Aubain meurt, Félicité reste dans la maison vide, qui ne trouve pas d’acquéreur ; elle meurt à son tour pendant que la procession de la Fête-Dieu, grand événement annuel dans Pont-l’Évêque, s’arrête au reposoir adossé à la maison et que la bénédiction du curé monte à sa mansarde ouverte. Et puis c’est tout ! Voilà le romanesque de ce simple récit. Avec cela, avec cette donnée d’une si correcte banalité, M. Flaubert a fait un chef-d’œuvre de vie, d’émotion, et j’ajoute d’élévation morale. Non ! certes il n’est pas besoin pour captiver l’intérêt de mettre en scènes des seigneurs et des reines, de faire passer sous nos yeux des tableaux d’un monde éblouissant. J’accepte sans m’en plaindre l’inclination des réalistes pour les humbles et pour les simples, mais pour que l’intérêt s’attache à ces existences absolument intérieures, dans lesquelles le train vulgaire des choses n’apporte aucune variété, il est indispensable que le peintre soit doué d’une pénétration profonde et qu’il démêle avec un tact raffiné la psychologie de ces âmes naïves. C’est là surtout ce qui me semble au niveau des plus grands éloges dans le récit de M. Flaubert ; il explique avec une perspicacité admirable le jeu des pensées et des sentiments de son modèle, il montre de la façon la plus délicate l’association de ses idées, phénomène aussi attrayant, aussi difficile à saisir dans l’âme d’une paysanne que dans le cerveau du philosophe le plus cultivé. Je citerai un seul exemple de cet art consommé ; l’auteur dépeint la naissance et le développement des sentiments religieux dans le cœur simple de Félicité, accompagnant au catéchisme la fille de sa maîtresse Cette même pénétration, dans laquelle se combinent l’exactitude et la poésie, M. Flaubert l’applique à la nature. Est-il possible d’en reproduire avec plus de précision les aspects et en même temps d’en mieux deviner la saveur secrète, la grâce fuyante, l’ondoiement ? Réaliste tant qu’on voudra, mais réaliste de la famille d’Hobema, le peintre, et de Burus, le poète. Je l’avouerai pourtant, il est possible que ces peintures de la nature normande aient pour moi un charme que ne sentiront pas au même degré ceux qui n’ont pas, dès l’enfance, respiré l’air humide de nos campagnes vertes et senti sur leur front la fraîcheur lourde de notre ciel varié ; tous les personnages, tous les aspects de ce conte délicieux, je crois les retrouver ; ce sont des connaissances de première jeunesse. Honnêtes petites villes endormies, dont Pont-l’Évêque est un échantillon, et qui retentissent seulement, dans la semaine, du cliquetis des sabots des bonnes femmes et des petits gars ; correctes veuves tricotant à la fenêtre de maisons immuables ; admirables servantes si dévouées et si bonnes cuisinières ; le progrès moderne, le chemin de fer et le Paris. Les bains de mer ne vous ont pas encore absolument supprimés ; rendez grâce au poète précis qui vient de fixer, avant qu’elles disparaissent sans retour, vos grâces discrètes, vos humbles mérites et vos silencieuses vertus ! Ce que j’ai dit plus haut de la puissance imaginative de M. Flaubert, du don qu’il possède de reconstruire les mondes disparus, s’applique aux deux récits qui complètent le présent volume La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, Hérodias. Au point de vue de l’exécution artistique, la Légende de Saint Julien est certainement une œuvre plus achevée ; mais Hérodias, dans un cadre plus étroit, est une tentative aussi originale que Salammbô. L’auteur s’est proposé en effet de mettre en scène l’épisode de la décollation de saint Jean-Baptiste, en reconstituant cette cour singulière, ce monde composite groupé autour du Tétrarque de Judée, Hérode. Cette phase obscure de l’histoire juive a laissé, s’il se peut, encore moins de renseignements positifs que celle de Carthage. Le tableau de M. Flaubert, dans lequel il a rassemblé les éléments israélites, orientaux et romains s’agitent dans la forteresse du Tétrarque, est une merveille de divination. Il est possible que l’archéologie en soit discutable ; l’animation et le coloris du tableau frapperont néanmoins tous les yeux. Je ne suis pas, tant s’en faut, on s’en aperçoit, un adversaire absolu de la théorie réaliste ; aussi j’espère que cette œuvre, ou tout ce qu’il y a de plus élevé dans la doctrine se trouve mis en œuvre par un talent de premier ordre, rencontrera à meilleur escient, auprès de la masse du public, quelque chose de l’empressement qu’ont excité L’Assommoir et La Fille Élisa. Le XIXe Siècle, 13 juin 1877 Charles Bigot. Il y a longtemps que M. Gustave Flaubert n’avait rien publié. Ce n’est pas un auteur qui se prodigue. En ce temps de littérature facile, c’est presque un phénomène que cet écrivain qui tous les six ou sept ans sort de son repos pour livrer au public un ouvrage longuement médité, exécuté avec patience, porté lentement par son auteur au degré qu’il considère comme la perfection. L’événement n’a pas toujours répondu ni à l’effort dépensé ni à l’espérance générale. Il est d’honnêtes gens qui ne sont parvenus ni à rendre pleine justice à l’érudition pittoresque de Salammbô ni à bien comprendre l’Éducation sentimentale ou La Tentation de Saint Antoine. M. Flaubert a eu cette fois moins hautes ambitions. L’art de la mise en page aidant, il a fait un volume avec trois courtes nouvelles. Il l’a modestement intitulé Trois Contes. Mais ces trois contes feront peut-être plus pour la gloire de l’auteur que n’auraient fait autant de longues œuvres. Encore en est-il un que j’abandonnerais volontiers aux critiques sévères. C’est le récit intitulé Hérodias, et qui retrace la mort de Iaokanann, plus connu des profanes sous le nom de saint Jean-Baptiste. Il y a là trop d’archéologie pour que le lecteur se sente fortement ému ; l’œuvre est étrange plus que vivante et humaine, et ce que j’en préfère, pour ma part, c’est certaine vue de Judée au soleil levant, découverte du haut de la terrasse du palais d’Hérode Antipas, qui est à coup sûr d’un grand paysagiste élève de Decamps. Le reste m’a laissé froid. Mais je ne saurais en revanche dire assez de bien des deux premiers récits du livre intitulés, l’un Un Cœur simple, l’autre La Légende de Saint Julien l’Hospitalier. Mérimée n’a rien fait de plus vigoureux, ni de plus achevé que ces deux récits. M. Flaubert s’est trouvé poète à son insu et presque malgré lui par l’intensité de la vision artistique. On a fait tant d’éloges mérités de la première nouvelle, Un Cœur simple, que je puis bien lui préférer encore, sans faire tort à l’auteur, La Légende de Saint Julien l’Hospitalier. L’auteur dit qu’il a trouvé cette légende sur les vitraux d’une vieille église de Normandie. Il l’a lue avec bonne foi et simplicité. Ses tableaux sont tellement saisissants, chaque trait est si juste, la fantaisie et le merveilleux se marient si heureusement avec l’observation exacte de la réalité que l’on finit même par oublier ce qu’il y a de trop rigoureusement voulu et dans la composition et dans le style de l’écrivain. Il y a là un tableau de chasse fantastique et un récit de la mort du saint qui comptent parmi les plus belles pages de français écrites depuis de longues années. Le Moniteur, 28 avril 1877. L’orateur M. F. Sarcey du boulevard des Capucines assimile Hérodias à La Tentation de Saint Antoine. Il n’a pas plus compris l’un que l’autre de ces ouvrages ; il n’en distingue pas le but ; il n’en reconnaît pas l’utilité ; il se demande pourquoi ils ont été écrits. En revanche, La Légende de Saint Julien l’Hospitalier, et surtout Un Cœur simple, ont séduit la critique. La vie extraordinaire de saint Julien l’Hospitalier a été recueillie par l’auteur dans une humble église de village normand, sur un vitrail du temps où on écrivait l’histoire sur le verre. Elle lui a servi de prétexte à une fort belle étude sur l’homme dominé par la passion du sang. M. Flaubert est un maître qu’il faut étudier ; tous les écrivains de l’école qu’il a créée ont bénéficié de sa méthode descriptive, bien différente, quoi qu’on en ait dit, de celle de Balzac. Le grand Balzac sculptait le cadre au milieu duquel l’action devait se dérouler, avant d’avoir fait entrer en scène ses héros. Les romanciers qui ont eu pour maître G. Flaubert présentent au contraire les descriptions des lieux en même temps que les situations se produisent, parfois au cours du dialogue, incidemment, afin que les personnages apparaissent éclairés par la lumière qui convient mieux à leur physionomie et entourés des choses qui contribuent à donner une idée plus puissante de leur caractère. Tous les élèves de M. Flaubert ont en eux l’étoffe d’un peintre. Chacun des livres qu’ils ont écrits est, non pas une immense toile, mais comme une galerie de tableaux de genre que l’on oublie d’autant moins qu’ils sont traversés par un très petit nombre de figures. Le style de M. Flaubert donne aussi à tous les passages descriptifs une vigueur de touche qui ne se trouve dans aucune œuvre antérieure à la publication de Madame Bovary. L’auteur ne se contente pas seulement d’être un peintre, il est aussi un musicien ; la plume a trouvé, par des phrases incidentes, par une ponctuation qui lui est propre, par des adverbes sonores, le secret de rendre le son des voix, le bruit du vent, le galop des chevaux, le timbre des cloches, le cri d’un mourant. N’entend-on pas hurler dans la souffrance ce malheureux pied-bot, opéré par Charles Bovary, à l’auberge du Lion d’or. Revue des Deux Mondes, 15 juin 1877. L’érudition dans le roman Brunetière. Après avoir exposé qu’il n’est pas toujours, dans les lettres ni ailleurs, une si bonne fortune que de débuter bruyamment, avec éclat, fracas, demi-scandale, et qu’il vaudrait mieux pour Flaubert pouvoir inverser la succession chronologique de ses œuvres, partir de La Tentation de Saint Antoine pour arriver à Madame Bovary, en passant par Salammbô, le malheureux essai du Candidat, L’Éducation sentimentale, — parce qu’ainsi chaque effort nouveau de Flaubert eût marqué un nouveau progrès de l’auteur vers la perfection de son genre, — Brunetière, visiblement hostile à Flaubert et à son école, continue dans une vigoureuse attaque Mais la logique ne gouverne pas les hommes comme elle fait les idées… Et voilà pourquoi les trois nouvelles, ou les Trois Contes, que vient de publier M. Flaubert, sont certainement ce qu’il avait encore exécuté de plus faible. Ce n’est pas à la vérité parce que le cadre est plus étroit. Disons seulement qu’il y a quelque surprise dont on se défend mal, à voir un écrivain finir par où les autres commencent, ayant commencé par ou les autres finissent… Il n’eut tenu qu’à l’auteur d’étendre les proportions de ses contes jusqu’au cadre du roman, puisqu’il avait depuis longtemps prouvé qu’il en était capable ; et c’est un talent si rare de nos jours, une ambition si peu commune, de vouloir et de savoir faire court, qu’il faudrait plutôt remercier M. Flaubert, chef d’école, pour l’exemple et la leçon qu’il donne… On retrouvera donc, dans Un Cœur simple, ce même accent d’irritation sourde contre la bêtise humaine et les vertus bourgeoises ; ce même et profond mépris du romancier pour ses personnages et pour l’homme ; cette même dérision, cette même rudesse, et cette même brutalité comique dont les boutades soulèvent parfois un rire plus triste que les larmes — comme, dans Hérodias, on retrouvera cet étalage d’érudition, ce déploiement de magnificence orientale, ces couleurs aveuglantes, ces lourds parfums asiatiques et ces provocations de la chair qui sont, s’il était permis de joindre les deux expressions, la poésie du réalisme. Dans la forme, ai-je besoin de dire que c’est toujours la même habileté d’exécution, trop vantée d’ailleurs ; — le même scrupule, ou plutôt la même religion d’artiste ; mais aussi la même préoccupation de l’effet, trop peu dissimulée ; — la même tension du style, pénible, fatigante, importune, les mêmes procédés obstinément matérialistes… Dans l’école moderne, quand on a pris une fois le parti d’admirer, l’admiration ne se divise pas, et l’on a contracté du même coup l’engagement de trouver tout admirable. Il est donc loisible, il est même éloquent à M. Flaubert d’appeler Vitellius cette fleur des anges de Caprée ». Quels rires cependant, si c’était dans Thomas que l’on découvrît cette étonnante périphrase, et comme on aurait raison ! … Nous retrouvons M. Flaubert, c’est vrai, mais nous le retrouvons tel que nous le connaissions de longue date, et c’est précisément, c’est surtout de quoi nous nous plaignons. Certes, si ces Trois Contes, après tout, ne nous rappelaient qu’une manière d’artiste et des procédés de composition connus, bien loin qu’il y eût la prétexte seulement à critique, au contraire, il y faudrait louer une vigoureuse organisation qui, du premier effort, ayant donné toute sa mesure, persiste résolument dans ses qualités et dans ses défauts, parce que ses défauts eux-mêmes sont une part, — et quelquefois la meilleure part, — de son originalité. Malheureusement ce n’est pas une manière, ce sont des paysages, des scènes entières, des visages connus qu’ils nous rappellent, ces Trois Contes ! Les mêmes dessins sur les mêmes fonds, les mêmes tableaux dans les mêmes cadres ; et ceci c’est la marque d’une invention qui tarit… Revue Bleue, 11 et 18 octobre 1879. Les Romanciers contemporains Jules Lemaître. Sur Un Cœur simple Ce roman, très court, est consolant après les autres, sans toutefois les contredire. Félicité n’est pas plus un être idéal que Mme Bovary. Ce n’est point une héroïne, mais une bête à Bon Dieu. Ses joies, ses chagrins, ses actions, ses rares paroles, sa religion, ses associations d’idées, tout cela est d’une simplicité qui touche et tourne aux humbles devoirs de sa profession, a l’affection désintéressée, au dévouement absolu et machinal… Nulle part la manière de Flaubert n’est plus serrée ; on dirait qu’il craint de verser dans l’émotion. On lui reprochera d’avoir fait la bonté idiote ; on lui dira que c’est rabaisser la vertu d’en faire un produit naturel du tempérament, de la rendre futile et inconsciente. Il répondra qu’on a assez montré, au théâtre et dans le roman, d’héroïnes à falbalas, qui sont des victoires démesurées de la volonté sur la nature… Peut-être aimerais-je mieux que Félicité fût un peu plus intelligente ; mais je ne voudrais pas qu’elle le fût trop, car elle ne pourrait plus avec vraisemblance être aussi merveilleusement bonne ; elle saurait qu’elle l’est, et ce ne serait plus la même chose. Sur Hérodias Hérodias est dans les mêmes teintes l’expression est exacte que Salammbô… Mais ici un effort excessif se fait sentir dans cette brièveté ; les personnages et les actions ne sont pas assez expliqués ; il y a trop de laconisme dans ce papillotage asiatique, et cela ne peut plaire qu’aux fidèles de M. Flaubert, à ceux qui l’aiment, même et surtout dans l’outrance de ses partis pris. Hérodias est à peu près à Salammbô ce qu’Un Cœur simple est à Madame Bovary. Sur La Légende de Saint Julien l’Hospitalier La Légende de Saint Julien est un bijou gothique d’une rare perfection… Chaque page évoque l’idée d’un vitrail ou d’une enluminure de missel. Ceci est du moyen âge cuit patiemment avec une lampe d’émailleur, non barbouillé avec fougue, comme on faisait vers 1830… Je la trouve vraie cette légende en ce que Julien, parricide et saint, avec son amour du sang et son amour de Dieu, symbolise à merveille le moyen âge, violent et mystique.
\n \n catéchisme en images maison de la bonne presse
La catéchèse reprendra la première semaine d'octobre sur l'ensemble paroissial Sainte-Anne du Porzay » annonce Valérie Quéméré, laïque en mission d'église. La responsable locale de la Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. Heureux les affligés, car ils seront consolés. Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu. Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux. Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on vous calomnie de toutes manières à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux. copyright AELF
quefut le Grand catéchisme en images (édité à partir de 1884 par la Maison de la Bonne Presse, il était encore diffusé dans les années 1950) : suffisamment grandes (48 × 66 cm) pour être affichées, ses 68 planches, en couleurs, furent parfois utilisées, en guise de tableaux, pour orner églises et chapelles ; elles devinrent surtout le matériau pédagogique de prédilection des
Cet article a été publié pour la première fois dans le magazine National Geographic. Le bureau d’Eugenio Alliata à Jérusalem évoque n’importe quelle officine d’archéologue qui préfère le travail de terrain. Sur les étagères surchargées, des relevés de fouilles côtoient des mètres rubans et d’autres outils. Rien de bien différent des bureaux de tous les archéologues que j’ai pu rencontrer au Moyen-Orient, à deux détails près Alliata porte l’habit couleur chocolat des franciscains, et son quartier général se trouve dans le monastère de la Flagellation. Selon la tradition de l’Église, le monastère fut bâti à l’endroit même où Jésus-Christ, condamné à mort, fut flagellé par les soldats romains et couronné d’épines. La tradition» voilà un mot que l’on entend beaucoup dans cette partie du monde. Ici, des multitudes de touristes et de pèlerins sont attirés par les dizaines de sites qui, tradition oblige, sont considérés comme des étapes de la vie du Christ, de son lieu de naissance, à Bethléem, à celui de sa mort, à Jérusalem. Selon l’Évangile de Jean, Jésus guérit un paralytique dans la piscine de Bethesda, à Jérusalem, un bassin à cinq portiques réservé aux bains rituels. Beaucoup de spécialistes doutaient de la réalité du lieu, jusqu’au jour où des archéologues en ont découvert des preuves évidentes, dissimulées sous les ruines de ces églises vieilles de plusieurs devenue journaliste que je suis le sait des cultures entières sont nées et mortes presque sans laisser de traces. Aussi, fouiller d’antiques paysages en quête de tessons de poterie qui éclaireraient la vie d’un seul personnage semble aussi vain que la chasse aux fantômes. Au monastère de la Flagellation, le frère Alliata accueille chacune de mes visites et de mes questions avec patience et perplexité. Professeur d’archéologie chrétienne et directeur du Studium Biblicum Franciscanum, il participe à un projet franciscain vieux de sept siècles, consistant à entretenir et à protéger les anciens sites religieux de Terre sainte – et, depuis le 19e siècle, à en dresser des relevés scientifiques. Le frère Alliata ne semble pas préoccupé par ce que l’archéologie peut, ou ne peut pas, révéler sur la figure centrale du christianisme Il serait très étonnant, voire étrange, de trouver des preuves archéologiques de l’existence de quelqu’un qui aurait vécu il y a 2000 ans. Cela dit, on ne peut pas nier que Jésus a laissé une trace dans l’histoire. » Une Indonésienne, qui vient d’être baptisée dans le Jourdain, porte une robe représentant Jésus à l’issue du même rite, voilà 2 000 ans. La foi chrétienne, née dans une petite communauté juive, est devenue la religion la plus pratiquée du monde, avec plus de 2 milliards de DE Simon Norfolk, Avec L’aimable Autorisation De YARDENITLes textes du Nouveau Testament sont, de loin, les traces les plus évidentes et sans doute les plus controversées de son passage sur terre. Mais quel rapport existe-t-il entre le travail des archéologues et ces textes anciens, rédigés dans la seconde moitié du ier siècle de notre ère, ainsi qu’avec les traditions qu’ils ont nourries ? La tradition vivifie l’archéologie, et l’archéologie vivifie la tradition, répond le frère Alliata. Parfois, elles concordent et, parfois, non. » Et il ajoute dans un sourire Ce n’est pas le moins intéressant. » Théophile III, patriarche grec orthodoxe de Jérusalem et de toute la Palestine, porte un encolpion médaillon serti de pierres précieuses témoignant de sa foi. Je me suis lancée sur les pas de Jésus afin de retracer son histoire telle que la racontent les auteurs des Évangiles et des générations d’érudits. J’espère comprendre en quoi les textes chrétiens et les traditions correspondent aux découvertes des archéologues, depuis un siècle et demi que ceux-ci passent la Terre sainte au peigne fin. Mais, avant tout, une question explosive est-il possible que Jésus-Christ n’ait jamais existé ? Quelques sceptiques défendent cette opinion avec véhémence, mais pas les savants, notamment les archéologues. Je ne connais aucun chercheur important qui doute du personnage historique de Jésus, affirme Eric Meyers, archéologue et professeur émérite à l’université Duke. On pinaille sur des détails depuis des siècles, mais nulle personne sérieuse ne met en doute son existence. » Les chrétiens palestiniens défilent dans les rues de Bethléem à Noël, célébré par différentes confessions à différentes dates catholiques et protestants le fêtent le 25 décembre, les chrétiens orthodoxes le 7 janvier et les chrétiens Arméniens le 6 janvier ou en Terre Sainte le 18 son de cloche auprès de Byron McCane, archéologue et professeur d’histoire Je ne vois aucun autre personnage dont on nie l’existence alors qu’elle est si parfaitement établie par les faits. » Même John Dominic Crossan, un ex-prêtre qui copréside le Jesus Seminar, un groupe de travail de spécialistes des études bibliques plutôt controversé, estime que les sceptiques purs et durs vont trop loin. Certes, les miracles attribués au Christ sont difficiles à appréhender pour nos esprits modernes. Ce n’est pas une raison pour conclure que la vie de Jésus de Nazareth relève de la fable. On peut toujours dire qu’il marchait sur l’eau et que, comme personne n’en est capable, c’est la preuve qu’il n’a pas existé, me dit Crossan. Mais il s’agit d’autre chose. Qu’il ait accompli certaines choses en Galilée, et d’autres à Jérusalem, et qu’il ait été condamné à mort pour ses actes, tout cela cadre parfaitement avec un certain scénario. » Les ruines de l’Hérodion, l’une des forteresses élevées par Hérode le Grand sur une hauteur, témoignent du pouvoir écrasant de l’Empire romain. Des chercheurs voient en Jésus un révolutionnaire dont la véritable mission était de changer le régime politique en place, et non de sauver les DE Simon Norfolk, PANORAMA COMPOSÉ DE 7 IMAGESLes chercheurs qui étudient la vie du Christ se divisent en deux écoles il y a ceux pour qui le Jésus des Évangiles, auteur de miracles, est le véritable Jésus, et il y a ceux pour qui le véritable Jésus c’est-à-dire l’homme qui a suscité le mythe est, certes, l’inspirateur des Évangiles, mais aussi un personnage dont la vérité apparaîtra grâce aux recherches historiques et à l’analyse des textes. Les deux camps considèrent l’archéologie comme leur qu’il soit ou ait été Dieu, un homme ou la plus grande supercherie littéraire de tous les temps, la diversité et la dévotion de ses disciples modernes éclatent dans toute leur splendeur quand on arrive à Bethléem, l’antique cité que l’on considère comme son lieu de naissance. Sur la place Manger, je me joins à un groupe de pèlerins du Nigeria que je suis jusqu’à l’entrée, plutôt basse, de la basilique de la Nativité, dont les hauts murs disparaissent sous des bâches et des échafaudages. La basilique est en cours de restauration. Des conservateurs nettoient les mosaïques dorées du 12e siècle de la suie des bougies qui ont brûlé ici depuis tout ce temps. Nous contournons avec précaution une partie du sol qui révèle les plus anciens vestiges de l’église, construite dans les années 330 sur ordre du premier empereur romain chrétien, Constantin. Cette synagogue des 2e - 5e siècles, à Capharnaüm, a été en partie restaurée. Ses colonnes se dressent sur un édifice plus ancien où, à en croire certains historiens, Jésus se serait rendu. Non loin de là, les archéologues ont découvert une habitation vénérée par les premiers chrétiens. Il pourrait s’agir du domicile de l’apôtre marches nous conduisent dans une grotte éclairée à l’électricité, devant une petite niche creusée dans le marbre. En ce lieu, une étoile d’argent signale l’endroit même où, selon la tradition, est né Jésus-Christ. Les pèlerins s’agenouillent pour baiser l’étoile et toucher de leur paume la pierre froide et polie. Bientôt, un responsable les presse d’avancer pour laisser la place à de nouveaux arrivants. La basilique de la Nativité est la plus vieille église chrétienne encore en activité. Mais tout le monde ne s’accorde pas pour dire que Jésus de Nazareth est né à Bethléem. Seuls deux Évangiles mentionnent sa naissance, et leurs récits en sont fort différents. Des historiens soupçonnent les évangélistes d’avoir fait naître Jésus à Bethléem pour établir un lien entre lui, paysan de Galilée, et une ville de Judée dont l’Ancien Testament annonçait qu’elle serait le berceau du Messie L’archéologie est fort peu loquace à ce sujet. Quelle chance a-t-on de déterrer une quelconque preuve qu’un couple de paysans vivant il y a deux millénaires aurait été l’acteur d’un tel événement? Les fouilles dans la basilique et alentour n’ont révélé ni objet de l’époque, ni indice suggérant que le site était sacré pour les premiers chrétiens. Le premier témoignage incontestable de vénération remonte au 3e siècle. Origène, un théologien d’Alexandrie, observa À Bethléem, on peut voir la grotte où [Jésus] est né. » Au début du 4e siècle, l’empereur Constantin envoya une délégation en Terre sainte afin d’identifier les lieux associés à la vie du Christ et de les sanctifier par la construction d’églises et de sanctuaires. Ayant localisé ce qu’ils considéraient être la grotte de la Nativité, les délégués y firent bâtir une église, ancêtre de celle d’aujourd’hui. "Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes", a déclaré Jésus à ses premiers disciples, des pêcheurs dont la vie était centrée sur la mer de Galilée. Ici, selon les Évangiles, Jésus a miraculeusement calmé une tempête, a marché sur l'eau et l'a béni ses disciples avec des cargaisons de des chercheurs auxquels je me suis adressée ne se prononcent pas sur le lieu de naissance du Christ, faute de preuves matérielles. Selon eux, le vieil adage de l’archéologie est plus que jamais d’actualité L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. » La piste pour retrouver le véritable Jésus est bien plus fructueuse à 105 km de là, en Galilée, région vallon née du nord d’Israël. Jésus fut élevé à Nazareth, une bourgade agricole. Les historiens qui voient en lui seulement un homme que ce soit un réformateur religieux, un révolutionnaire social, un prophète de l’Apocalypse, voire un Juif fanatique tentent, en juxtaposant les données économiques, politiques et sociales de la Galilée du 1er siècle, de mieux comprendre quelles forces furent le terreau de cet homme et de sa mission. À cette époque, l’Empire romain est, de loin, l’acteur principal de la vie en Galilée. Les Romains avaient conquis la Palestine soixante ans avant la naissance de Jésus, et presque tous les Juifs devaient subir le joug de Rome, symbolisé par la lourdeur des taxes et l’adoration des idoles païennes. Selon beaucoup de chercheurs, les troubles sociaux profitèrent à l’agitateur juif, qui se fit connaître en dénonçant riches et puissants, et prenant le parti des pauvres et des laissés-pour-compte. Mis au jour dans ce qui fut une synagogue de Magdala, la ville de Marie Madeleine, ce bloc sculpté fi gurerait le Temple de Jérusalem. Photographié ici dans les réserves de l’Autorité des antiquités d’Israël, il pourrait avoir servi de table de lecture de la TorahD’autres avancent que l’influence de la culture gréco-romaine a façonné un Jésus moins juif et plus cosmopolite, héraut de la justice sociale. En 1991, un ouvrage fit sensation The Historical Jesus, de John Dominic Crossan. Sa théorie le véritable Jésus était une sorte de sage itinérant, dont les paroles subversives et le style de vie, à contre-courant des mœurs de son époque, résonnaient étrangement avec la façon de vivre des cyniques. Ces derniers, d’une école philosophique de la Grèce antique, n’étaient pas cyniques au sens moderne du mot, mais ne respectaient aucune convention sociale, comme le souci de rester propre, ou la quête de la richesse et du pouvoir. Crossan se fondait, d’une part, sur les découvertes archéologiques révélant que la Galilée, longtemps décrite comme une campagne reculée et une enclave juive isolée, était bien plus urbanisée et romanisée à l’époque de Jésus que les spécialistes ne le croyaient, et, d’autre part, sur le fait que le domicile de Jésus enfant se trouvait à 5 km de Sepphoris, la capitale romaine de la province. Les Évangiles ne mentionnent pas la ville, mais l’ambitieux programme de construction lancé par le tétrarque Hérode Antipas aurait pu attirer des artisans qualifiés des villages alentour. Pour beaucoup, on peut tout à fait penser que Jésus, jeune artisan vivant près de Sepphoris, aurait pu y travailler, mettant la tradition religieuse qui était la sienne à l’épreuve de la vie. À la Pâque juive, des Samaritains se rendent sur le mont Garizim qui, selon eux, abrite le véritable site du temple de Dieu et non Jérusalem. À l’époque de Jésus, les Juifs considéraient les Samaritains comme impies. Jésus illustre pourtant l’amour du prochain dans la parabole du bon Samaritain ».Par une belle journée de printemps, je retrouve les archéologues Eric et Carol Meyers dans les ruines de Sepphoris. Le couple fouille l’immense site depuis trente-trois ans. Celui-ci est désormais au cœur d’un débat passionné et théorique sur la judaïté de la Galilée et, par extension, de Jésus. Eric Meyers s’arrête devant un tas de colonnes. Ça a été drôlement houleux », dit-il au souvenir des débats pour savoir dans quelle mesure une ville hellénisée avait pu influencer un jeune paysan juif. Au faîte de la colline, il désigne des murs dégagés avec soin. Pour parvenir à ces maisons, nous avons dû creuser à l’emplacement d’un bivouac de la guerre de 1948, avec notamment un obus syrien non explosé. Et, sous la terre, nous sommes tombés sur les mikvaot ! » Au moins trente de ces bains juifs rituels parsèment le quartier résidentiel de Sepphoris –soit la plus grande concentration de lieux privés jamais mise au jour par les archéologues. Outre de la vaisselle en pierre pour les rituels et l’absence d’os de porc interdit de consommation par la loi juive, elles prouvent que cette cité d’une province de la Rome impériale était demeurée juive au temps de l’adolescence de Jésus. Ces découvertes et d’autres indices issus de fouilles dans toute la Galilée ont conduit les chercheurs à réviser leur opinion, m’explique Craig Evans, spécialiste des origines du christianisme Grâce à l’archéologie, on est passé de Jésus l’hellénisant cosmopolite à Jésus le Juif pratiquant –un changement considérable. » La chapelle copte de l’église du Saint Sépulcre s’orne de scènes de la vie du Christ. Plusieurs religions chrétiennes partagent le sanctuaire, non sans méfiance, chacune réclamant une partie de l’espace. Les clefs de l’église ont été confiées à une famille musulmane de la 30 ans, Jésus s’immergea dans le Jourdain avec Jean le Baptiste, l’agitateur et prophète juif. Sa vie en fut bouleversée car, une fois baptisé, à en croire le Nouveau Testament, il vit l’Esprit de Dieu descendre sur lui comme une colombe», et la voix de Dieu se fit entendre Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour.» Cette rencontre avec le Seigneur marqua le début de sa vie de prêcheur et de guérisseur. Capharnaüm fut l’une de ses premières étapes. Cette ville de pêcheurs se situe sur la rive nordouest du lac de Tibériade. C’est là que Jésus rencontra ses disciples initiaux et qu’il établit son premier quartier général ». De nos jours, les organisateurs d’excursions en Terre sainte désignent le lieu de pèlerinage qu’est devenu Capharnaüm comme la ville de Jésus ». Une haute barrière métallique entoure les lieux, propriété des franciscains. Derrière se trouve une église moderne, soutenue par huit piliers le Mémorial de Saint-Pierre, consacré en 1990 en l’honneur d’une des plus importantes découvertes réalisées au 20e siècle par les archéologues travaillant sur le Jésus historique. Jésus pria dans le jardin de Gethsémani mot sans doute ­araméen signifiant pressoir à huile » quelques heures avant son arrestation, selon les Évangiles. De nos jours, nombreux sont les pèlerins à visiter cette oliveraie, située à l’extérieur de Jérusalem, où Jésus connut la plus sombre nuit de son centre de l’édifice attire tous les regards. Au-delà d’un garde-fou, à travers un sol vitré, les visiteurs peuvent apercevoir les ruines d’une église octogonale, bâtie il y a 1 500 ans. Quand les archéologues franciscains ont fouillé sous cette structure, en 1968, ils se sont rendu compte qu’elle avait été bâtie sur les ruines d’une maison datant du ier siècle. C’était la preuve que, en un court laps de temps, ce domicile privé avait été transformé en un lieu de réunion public. Puis, vers la seconde moitié du 1er siècle, quelques décennies après la crucifixion de Jésus, les murs de pierre brute de ce domicile furent enduits de plâtre, et tous les ustensiles de cuisine remplacés par des lampes à huile – objets caractéristiques d’une communauté prenant ses quartiers. Enfin, au 4e siècle, à l’époque où le christianisme devint la religion officielle de l’Empire romain, la demeure fut transformée en une maison de culte soigneusement décorée. Depuis, elle est connue comme la maison de Pierre ». Il est impossible d’établir si le disciple y vécut effectivement, mais beaucoup de spécialistes estiment que ce n’est pas impossible. Il est dit dans les Évangiles que Jésus guérit de la fièvre la belle-mère de Pierre, chez elle, à Capharnaüm. La nouvelle se répandit aussitôt et, le soir, une foule de malades se pressait devant sa porte. Jésus guérit les malades et délivra ceux qui étaient possédés par des démons. L’os du talon d’un crucifié photo a été retrouvé dans une tombe. Cela confirme que les crucifiés pouvaient être inhumés et que Jésus aurait pu l’être. Les Romains crucifiaient de plusieurs récits mettant en scène des foules venant chercher la guérison auprès de Jésus confortent ce que l’archéologie nous dit de la Palestine du ier siècle, une région où des maladies telles que la lèpre ou la tuberculose étaient monnaie courante. Je prends la direction du Sud, longeant le lac de Tibériade, jusqu’à un kibboutz ferme communautaire qui, en 1986, fut le théâtre d’un événement sensationnel. Le niveau du lac avait considérablement baissé à cause d’une grave sécheresse. Deux frères du kibboutz ont remarqué une forme qui ressemblait aux contours d’un bateau. Les archéologues qui l’ont examinée ont trouvé des objets datant de l’époque romaine dans et près de la coque. Plus tard, le test au carbone 14 a confirmé l’âge du bateau il était plus ou moins contemporain de Jésus. Un ossuaire orné, ou boîte à os, découvert dans une tombe de Jérusalem porte le nom de Caïphe, une figure tristement célèbre dans les récits des Évangiles sur le procès et l’exécution de Jésus. S'il s'agit de Caïphe, la découverte confirmerait que les personnes qui jouaient un rôle dans les histoires du Nouveau Testament étaient réelles et non fictives », note l'archéologue Eric DE Simon Norfolk, Photo PRISE AU MUSÉE ISRAEL, À JERUSALEMPuis, il s’est mis à pleuvoir. Le niveau du lac a remonté. L’opération de sauvetage du bateau qui s’est déroulée alors constitue un exploit archéologique. Un chantier qui, en temps normal, aurait duré des mois pour être planifié et exécuté, a pris exactement onze jours. Aujourd’hui, le précieux bateau est le joyau du musée du kibboutz situé non loin de l’endroit où il a été découvert. Large d’environ 2 m pour 8 m de long, il aurait pu embarquer treize hommes bien que rien n’indique que Jésus et ses douze apôtres l’aient utilisé. Il ne paie pas de mine un squelette de planches qui eurent leur compte de réparations, jusqu’à ce que plus rien ou presque ne subsiste de l’original. Il a dû être entretenu et réparé jusqu’à ce que cela ne serve plus à rien», constate John Dominic Crossan. Mais, aux yeux des historiens, ce bateau n’a pas de prix, souligne-t-il Quand je considère les efforts qu’il a fallu déployer pour le maintenir à flot, j’en apprends beaucoup sur le niveau de vie des pêcheurs galiléens à l’époque de Jésus. » Des foules de pèlerins originaires de divers pays convergent vers Jérusalem à Pâques - un mélange potentiellement instable et une cible tentante pour les terroristes. Pour assurer la sécurité et maintenir la paix, les forces de sécurité israéliennes se déploient dans toute la ville, y compris le long de la célèbre Via autre découverte extraordinaire a eu lieu à 2 km au sud de l’endroit où a été trouvé le bateau, sur le site de l’ancienne Magdala, ville natale de Marie Madeleine, disciple de Jésus. Les archéologues franciscains avaient commencé à mettre au jour une partie de la ville dans les années 1970, mais la moitié nord restait enfouie. Puis, en 2004, le père Juan Solana, initialement envoyé par le Vatican pour surveiller le fonctionnement d’un hôtel pour pèlerins de Jérusalem, a décidé de bâtir une retraite pour les pèlerins de Galilée. Il a récolté de l’argent et acheté des terrains sur les rivages du lac, dont des parcelles non encore fouillées de Magdala En 2009, avant que ne débutent les travaux, une mission d’archéologie préventive est venue sur place, comme le veut la loi. Les sondages du sous-sol rocheux ont alors révélé les ruines enfouies d’une synagogue de l’époque de Jésus –la première du genre mise au jour en Galilée. La découverte était de première importance, car elle réduisait à néant l’argument des sceptiques selon lequel les premières synagogues de Galilée apparurent plusieurs décennies après la mort de Jésus –une théorie incompatible avec le portrait que les Évangiles dressent de lui, celui d’un Juif pratiquant qui prêchait souvent et accomplissait ses miracles dans les synagogues. Les pèlerins orthodoxes éthiopiens célèbrent Pâques au sommet de l'église du Saint-Sépulcre. Dans une longue dispute qui les oppose aux coptes égyptiens, les moines éthiopiens occupent un monastère sur le toit depuis plus de 200 ans pour faire valoir leur prétention à une partie de l' DE Alessio RomenziLes fouilles ont livré des murs bordés de bancs preuve qu’il s’agissait d’une synagogue et un sol en mosaïque. Au centre de la pièce reposait une pierre de la taille d’une cantine militaire, sculptée des principaux symboles sacrés du Temple de Jérusalem. La découverte de la pierre de Magdala, comme on l’appelle désormais, a porté un coup fatal à la théorie naguère très répandue selon laquelle les Galiléens n’étaient que des rustauds impies, bien éloignés du foyer spirituel d’Israël. La poursuite des fouilles a permis de découvrir toute une ville enfouie à moins de 30 cm sous la surface. Les ruines étaient si bien préservées que certains n’hésitèrent pas à surnommer Magdala la Pompéi d’Israël ». L’archéologue Dina Avshalom-Gorni me fait visiter le site. Elle me montre les vestiges de resserres, de bains rituels et d’un atelier où, peutêtre, on préparait et vendait le poisson. Je peux tout à fait m’imaginer des femmes en train d’acheter du poisson dans le marché qui se trouve juste ici », me dit-elle en indiquant de la tête les fondations d’étals en pierre. Le père Solana nous rejoint. Je lui demande ce qu’il dit aux visiteurs voulant savoir s’il est arrivé à Jésus de parcourir ces rues. On ne saurait répondre à cette question, admet-il, mais on doit garder à l’esprit le nombre de fois où les Évangiles mentionnent sa présence dans une synagogue de Galilée. » Puis, tenant compte du fait que la synagogue de Magdala était fréquentée à l’époque du ministère de Jésus et ne se trouvait qu’à quelques encablures de Capharnaüm, Solana conclut Nous n’avons aucune raison de nier ou de douter que Jésus ait fréquenté ce lieu. » À chaque étape de mon périple en Galilée, les traces de pas ténues laissées par Jésus semblent mieux se dessiner. Lors de mon retour à Jérusalem, elles prennent encore davantage de densité. Le Nouveau Testament dit que la cité antique est le théâtre de bon nombre de miracles et d’épisodes parmi les plus spectaculaires. Si les récits des quatre Évangiles divergent quant à la naissance de Jésus, ils sont bien plus proches au sujet de sa mort. Après être venu à Jérusalem pour assister à la Pâque, Jésus est conduit devant le grand prêtre Caïphe, qui l’accuse de blasphème et de menaces contre le Temple. Condamné à mort par le procurateur romain Ponce Pilate, Jésus est crucifié et enterré non loin de là, dans un tombeau creusé dans le roc. L’emplacement traditionnel de ce tombeau, dans ce qui est devenu l’église du Saint-Sépulcre, est considéré comme le lieu le plus sacré du christianisme. En 2016, je me suis rendue à plusieurs reprises dans l’église pour me documenter sur la restauration historique de l’Édicule, le sanctuaire qui héberge le tombeau réputé être celui de Jésus. Aujourd’hui, pendant la semaine de Pâques, je suis de retour. Debout, avec les pèlerins en vacances qui attendent leur tour pour pénétrer ans le minuscule sanctuaire, je me souviens des nuits passées dans l’église vide au côté de l’équipe de scientifiques chargée de sa restauration. Je suis émerveillée du nombre de découvertes archéologiques faites à Jérusalem et ailleurs au cours des ans et qui rendent crédibles les Écritures. À quelques mètres seulement du tombeau du Christ, on trouve d’autres sépultures de la même période creusées dans la roche. Cela prouve que cette église, détruite et reconstruite deux fois, avait été bâtie sur un cimetière juif. Je me souviens avoir été seule dans le tombeau après que la dalle de marbre avait été momentané - ment retirée. J’étais submergée par l’émotion en contemplant l’un des plus impor - tants monuments de l’histoire humaine –une simple banquette de calcaire que les gens révèrent depuis des millénaires, une chose qui n’avait peut-être pas été vue depuis un millier d’années. Un pèlerin s’incline sur la Pierre de l’onction, dans l’église du SaintSépulcre. C’est sur cette pierre qu’aurait été lavé et préparé le corps du Christ avant l’ lors de ma visite de Pâques, me revoici à l’intérieur du tombeau, pressée contre trois femmes russes. La dalle de marbre a été remise en place, protection indispensable du lit funéraire contre tous les rosaires et cartes de prière inlassablement déposés, sinon frottés, sur cette surface. La plus jeune des femmes implore Jésus de guérir son fils Evgueni, atteint d’une leucémie. À l’extérieur, devant l’entrée, un prêtre rappelle d’une voix forte que le temps accordé pour notre visite est écoulé, d’autres pèlerins attendant leur tour. À regret, les trois femmes se relèvent et quittent les lieux, une à une. Je les suis. Je me rends compte que, pour les croyants sincères, les études entreprises par les chercheurs sur le Jésus historique, le Jésus terrestre, pure - ment humain, sont de peu d’effet. Cette quête produira d’innombrables théories contradic - toires, des questions sans réponse, des faits inconciliables. Mais, pour les véritables croyants, la foi dans la vie, la mort et la résurrection du Fils de Dieu est amplement suffisante. Kristin Romey couvre les sujets civilisations et découvertes archéologique pour le magazine et le site National Geographic. Basé à Londre, le photographe Simon Norfolk s'est spécialisé dans la photographie d'architecture et de paysages. . 143 432 292 33 166 402 380 130

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